SANTE

Se détacher des fruits de l’action

Se détacher des fruits de l’action

Article d’Olivier CASTOR, 
professeur et yogathérapeute
paru sur le site de l’IFY PACA
https://www.ifypaca.fr/blog-yoga/se-detacher-des-fruits-de-laction/

Dans les articles précédents, les aspects de la discipline (tapas) et de la réflexion sur soi (svādhyāya) ont été présentés.

Dans le yoga de l’action (Yoga sūtra II-1), sur lequel je reviendrai plus loin, un troisième aspect vient compléter les deux premiers, il s’agit d’īśvara praṇidhānā.

Le mot īśvara signifie « porteur de pouvoir », « qui dirige, décide » mais aussi « enseigne, conseille et accompagne ». Il vient de la racine īś (« être maître de », pouvoir, régner). Il est complété de praṇidhānā qui représente le fait de se déposer (dhā) parfaitement (pra) et profondément (ṇi).

Dans les yoga sūtraīśvara praṇidhānā est développé à trois reprises :

  • Dans le premier chapitre où il est présenté comme une alternative qui permet d’atteindre l’état d’unité par un abandon actif à īśvara (I-23).
  • Au tout début du second chapitre, il est présenté comme le troisième aspect du yoga de l’action qui consiste à œuvrer avec ouverture en étant détaché des fruits de l’action (II-1).
  • Au cœur du second chapitre, dans le contexte du yoga des huit membres, il est l’un des éléments du second membre relatif aux principes de discipline individuelle (II-45). Dans cet aphorisme, il est présenté comme une attitude intérieure, d’humilité et de confiance qui conduit au développement d’une capacité naturelle et extraordinaire dans l’état d’unité.

Dans le premier aphorisme du second chapitre, qui traite de la méthode (sadhānapāda), Patañjali laisse entendre que la pratique du yoga, qui nous permet d’expérimenter beaucoup de choses sur notre tapis, doit nous permettre une application du yoga dans notre quotidien.

Lorsque nous nous mettons en action (tapas) et que nous nous observons (svādhyāya), il en découle un résultat que nous ne contrôlons pas. Toutefois, nous avons la possibilité de l’accueillir avec ouverture et de l’accepter. C’est cela īśvara praṇidhānā dans le contexte du yoga de l’action (I-1).

Cela me rappelle un séjour en Corse. J’avais prévu de me rendre à la plage pour prendre un bain de soleil et nager. Ce jour-là, les conditions météo n’étaient pas favorables, j’ai donc décidé de modifier mon programme initial par une randonnée. Après avoir longé la côte bordée d’un maquis luxuriant et odorant, à un rythme assez soutenu, j’ai pris le temps de me poser face à la mer. Dans un esprit d’ouverture, j’ai pu contempler des paysages envoûtants. Des endroits que j’avais déjà vus à de multiples reprises me sont alors apparus si différents et si beaux avec ce vent violent. Cet état d’esprit détaché des fruits de l’action m’a permis de prendre conscience de détails surprenants, comme un rocher en proie aux éléments déchaînés par la tempête mais qui restait invulnérable et stable.

Cet article clôture la présentation du yoga de l’action qui consiste à porter une attention particulière à la qualité de nos actes plutôt qu’à leurs fruits.

On connaît la finesse de Patañjali et l’on peut donc se demander : est-ce volontaire de sa part de présenter d’abord īśvara praṇidhānā, au milieu de beaucoup d’autres moyens, dans le yoga des huit membres, lequel vise à apaiser les personnes au mental agité ? De le présenter ensuite comme un des trois éléments du yoga de l’action, lequel requiert du discernement pour prendre conscience de ses actions au jour le jour ? Et enfin de le présenter seul, dans la voie de l’abandon actif à une force supérieure, qui requiert un mental déjà apaisé ?